Maître Josquin Louvier, avocat spécialisé en droit du numérique et de la propriété intellectuelle, est manager du cabinet Leclère et Louvier avocats à Grenoble. Partenaire de la Digital League, le cabinet accompagne de nombreux éditeurs de logiciels et ESN sur les aspects juridiques de leur activité. Parmi eux, certains évoluent justement dans le domaine de l’open source.
D’un point de vue juridique, qu’est-ce que cela change pour l’entreprise de choisir un logiciel open source plutôt qu’un logiciel propriétaire ?
« Bon nombre d’entreprises choisissent l’open source dans le but de limiter les coûts. Et celles-ci ont raison sur le fond : avec une solution open source en version standard, elles économisent les coûts de licence. Même si juridiquement, il n’est pas interdit pour un éditeur de facturer une redevance, cela se fait peu en réalité, car c’est une pratique qui va à l’encontre de la philosophie open source. Donc dans les faits, l’entreprise qui déploie un logiciel open source s’allège des coûts de licence, et, comme elle accède au code source de l’outil, elle peut, si elle a les compétences techniques adéquates en interne, s’affranchir de toute dépense.
Notons cependant qu’une solution open source, à l’instar de tout logiciel, doit être installée, intégrée au système d’information (SI), elle peut nécessiter de la maintenance, rencontrer un dysfonctionnement ou contenir un virus… Dès lors, il faut être conscient qu’avec une version gratuite, l’entreprise n’a aucune garantie de l’éditeur quant au déploiement et la maintenance de l’outil. C’est la contrepartie de la gratuité et de la liberté d’exploitation de l’open source. »
Quelles précautions faut-il prendre ?
« Il est important de vérifier qui se cache derrière la solution : est-ce un éditeur solide, une petite structure, un développeur anonyme ? Il faut garder en tête que l’entité qui développe l’outil n’a pas d’obligation de le faire évoluer ni d’assurer sa maintenance. Par conséquent, un outil téléchargé sur internet ne sera pas forcément pérenne.
Ceci dit, l’entreprise en accédant au code source de la solution peut faire évoluer elle-même le logiciel. Elle a le droit de le faire, contrairement à un logiciel propriétaire. Libre à l’équipe informatique formée à l’outil d’ajouter des modules, de développer des fonctionnalités, de changer l’ergonomie, etc. Mais, encore une fois, il est primordial de s’assurer d’avoir les ressources nécessaires pour cela en interne. »
Comment bénéficier de garanties avec une solution open source ?
« Nous l’avons dit, l’utilisation d’un logiciel sous licence open source ne concède, en version gratuite standard, aucune garantie à l’entreprise de la part de l’éditeur. Cependant, la plupart d’entre eux proposent des contrats de service pour faire bénéficier aux utilisateurs de la solution toute l’assistance dont ils peuvent avoir besoin. Selon le type de contrat mis en place, l’entreprise cliente accède à des garanties plus ou moins fortes : assistance utilisateur, délais de résolution, disponibilité du service (en mode SaaS)…
Un éditeur qui développe un logiciel open source offre donc, dans le cadre d’un contrat de service, tout autant de garanties qu’un éditeur de logiciel propriétaire. Un éditeur de logiciel open source n’est ni moins sérieux ni moins compétent qu’un autre. Le tout est de contractualiser les services et de bien vérifier sous quelle licence open source le logiciel est distribué. »
Quels sont les droits des entreprises quant à leur contribution à un logiciel open source sous forme communautaire ?
« Lorsqu’une entreprise développe des fonctionnalités dans un logiciel open source dans le but d’une utilisation interne, elle n’a pas d’obligation de redistribution du code source à la communauté. D’ailleurs, l’éditeur de la solution, lui-même, n’est pas tenu de rendre publiques les dernières évolutions. Il a cependant tout intérêt à le faire pour rester dans la philosophie open source, fidéliser les utilisateurs et éventuellement provoquer de nouvelles contributions au sein de la communauté.) Si l’entreprise utilisatrice souhaite commercialiser le logiciel avec les évolutions qu’elle a développées, elle peut le faire mais devra mettre à disposition des utilisateurs le code source de l’application.
Les intégrateurs et revendeurs de l’outil open source peuvent aussi revendre les évolutions à leurs propres clients et proposer du service autour, dans le cadre du contrat de partenariat avec l’éditeur. C’est dans la logique open source de laisser aux partenaires de l’éditeur une certaine autonomie et une marge de manœuvre suffisante pour adapter le logiciel aux besoins de leurs clients. »
Sales and Marketing Director chez Combodo